Accident du travail mortel, qui est responsable pénalement ?

L’homicide involontaire est d’après l’article 221-6 du Code pénal , « Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire ».

Cet article énonce également les peines prévues pour cette infraction. L’homicide involontaire est puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende.

Lorsque celui-ci se produit dans le cadre d’une activité professionnelle, on parle d’accidents mortels du travail.

Depuis la création de cet alinéa 4 de l’article 121-3, par la Loi Fauchon, il a été admis la possibilité d’engager la responsabilité pénale des personnes physiques qui ont causé indirectement le dommage. Cependant, dans ce cas une faute simple ne suffit pas, celle-ci doit être une faute délibérée c’est à dire « une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » ou une faute caractérisée « qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».

La question essentielle est de savoir si les dirigeants sociaux sont toujours responsables pénalement des accidents mortels du travail qui se produisent au sein de leur société ?

I- La responsabilité pénale des personnes physiques : le dirigeant

L’article 121-1 du Code pénal énonce que « nul n’est responsable que de son propre fait ». De fait, le dirigeant d’une siccité ne peut être responsable du fait de son salarié même s’il lui a donné un ordre, sauf s’il est retenu contre le dirigeant social la complicité par instruction.

Concernant la responsabilité des dirigeants dans le cadre des accidents mortels du travail, il est parfois employé l’expression de « risque pénal du dirigeant ». En effet, il a été établi par un arrêt du 10 février 1996 qu’il appartient au dirigeant social « de veiller personnellement au strict et constant respect des prescriptions légales et règlementaire applicable à l’activité de l’entreprise notamment en matière d’hygiène et de sécurité en matière de conditions de travail ».

Cependant, le dirigeant social en cas d’homicide involontaire dans le cadre d’un accident de travail peut parfois s’exonérer de sa responsabilité : en cas de délégation de pouvoir.

1- La mise en œuvre de la délégation de pouvoir du chef d’entreprise

  • L’exemple des accidents du travail sur les chantiers

Dans le domaine du bâtiment, les accidents de salariés sur un chantier ne sont malheureusement pas rares, il est d’ailleurs le domaine le plus concerné par ceux-ci. C’est pourquoi ces dernières années le dispositif législatif a été renforcé afin de réduire ces risques d’accidents.

Le code pénal tient pour responsable lors d’un accident du BTP le chef d’entreprise, or, en pratique celui-ci n’est que très rarement sur le chantier du fait des multiples tâches de gestion incombant à sa fonction. Il n’est donc pas toujours en mesure de prendre, en pratique, toutes les mesures de nature à assurer la sécurité des travailleurs.

C’est la raison pour laquelle, le législateur a prévu la possibilité pour le chef d’entreprise de prévenir le risque pénal au moyen d’une délégation de pouvoir. Cependant, pour que cette délégation soit envisageable, une condition préalable exige que l’entreprise par sa complexité structurelle ou fonctionnelle ou pas son éparpillement géographique requiert un système de délégation de pouvoir.

Par ce moyen, le chef d’entreprise désigne parmi ses employés un ou plusieurs chefs de chantier qui pour leur part sont sur le terrain et veillent au respect de la législation en matière d’hygiène et de sécurité.

Dans ce cas la responsabilité pénale du dirigeant peut disparaitre au profit de celle du chef de chantier si une réelle délégation de pouvoir a été établie et non pas un simple contrat de travail.

Toutefois, pour que la délégation soit effective, la loi prévoit un certain nombre de critères liés tant au délégant qu’au délégataire.

  • Les conditions de la délégation du délégant (employeur)

La condition relative au délégant tient à la nécessité que celui-ci soit l’employeur du délégataire.

Cependant, dans le cas d’une délégation multi-entreprises, c’est-à-dire lorsque plusieurs entreprises présentes sur le chantier font une délégation de pouvoir au profit d’un salarié de l’une d’entre elle, la Cour de cassation admet dans ce cas la délégation de pouvoir bien que le délégant ne soit pas nécessairement l’employeur du délégataire. La délégation multi-entreprises est très courante dans le secteur des travaux publics.

Pour qu’une délégation de pouvoir soit valable, elle doit être certaine et précise, selon les termes de la jurisprudence.

La délégation pouvant être orale, il est indispensable de la formaliser par un écrit pour qu’il ne puisse y avoir aucun doute sur son existence et que la désignation des pouvoirs délégués soit précise. Cela est important dans la mesure où il est régulièrement jugé en matière d’accident du BTP que la délégation est trop générale et qu’elle ne couvre donc pas la responsabilité pénale du dirigeant.

Cette délégation doit également remplir les caractères d’effectivité, de durabilité et de stabilité.

  • Les conditions de la délégation du délégataire (employé)

Du côté du délégataire, certaines conditions existent également. La jurisprudence a dégagé le concept de « compétence, autorité, moyen ».

Pour que la délégation de pouvoir soit établie le délégataire doit détenir la compétence intellectuelle et technique afin d’assurer celle-ci. Il doit également avoir de l’autorité vis-à-vis des autres salariés et doit disposer de moyens matériels et financiers suffisant afin d’assurer cette délégation de pouvoir.

  • Les limites à l’exonération de la responsabilité pénale du dirigeant

 Bien que la délégation de pourvoir soit établies par les conditions énoncées ci-dessus, pour permettre l’exonération de la responsabilité du dirigeant, la délégation doit nécessairement être antérieure à la réalisation de l’infraction.

De plus, lorsque que le dirigeant prend part personnellement à la réalisation de l’infraction ou qu’il s’immisce dans l’exercice des pouvoir’ délégués, la délégation de pouvoir est privée de ses effets.

II- La responsabilité pénale des personnes morales : les entreprises du BTP

La question de la responsabilité pénale peut également se poser pour les personnes morales. En effet, l’article 121-2 du Code pénal énonce que « Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».

Mais il existe parfois des cas particuliers comme la délégation multi-entreprises, qui nécessitent un règlement particulier. Ainsi, il a été admis depuis un arrêt du 13 octobre 2009 que la personne morale dont la responsabilité́ pénale est engagée est celle de l’employeur de la victime.

La question des accidents du travail et plus particulièrement des homicides involontaires est en perpétuelle évolution. Par exemple un très récent décret du 9 juin 2023 a admis la nécessité d’une obligation d’information de l’employeur envers les agents de contrôle de l’inspection du travail. En effet, lors de la survenance d’un accident mortel du travail, l’employeur doit immédiatement informer l’inspection du travail, ou au plus tard dans les 12 heures suivant ledit accident.

Jade Desfoux, Stagiaire, Etudiante en Master 1 Droit Privé

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